Vice-président,
Secrétaire General,
Délégués du FPR Inkotanyi,
Dirigeants et invités,
Je vous salue et vous remercie de votre patience. Nous avons eu des visiteurs que je suis allé accueillir et une réunion imprévue mais importante, mon retard est dû à cela.
Sans perdre de temps, allons droit à la raison pour laquelle nous sommes réunis ici. En tant que dirigeants nous avons différentes responsabilités à divers échelons et nous travaillons tous pour notre pays, pour les Rwandais et aussi parfois – quand c’est important – pour ceux avec lesquels nous partageons des similitudes tels que les autres africains, les pays de la région et au-delà. C’est important de pouvoir contribuer autant que faire se peut.
Nous sommes ici en raison d’un débat qui se tient depuis quelques temps sur les raisons que vient de citer le Vice-Président, à savoir la révision de notre constitution. Une révision qui ne serait pas sans raison. Cette raison doit être de taille pour que les gens pensent à changer quelque chose d’aussi important que la constitution de notre pays. Je présume que la validité de ces raisons a été soigneusement étudiée.
L’importance d’une telle action est singulière mais va de pair avec le calendrier de l’acte. Il y a une synchronisation entre l’importance d’un tel acte et le moment où est effectué cet acte, et les deux peuvent pousser à réagir. Je pense que dans notre cas, nous avons les deux facteurs. Le calendrier dont sommes en train de parler est l’année 2017, ce qui devra se passer à ce moment-là et les alternatives qui ont été proposées. Ces alternatives ne peuvent être appliquées que s’il y a une raison valable.
L’importance de ces raisons ne peut être évaluée que grâce à ce processus que nous traversons. Nous essayons toujours de bien comprendre le poids de cet acte que l’on devrait faire – selon plusieurs -malgré le fait que cela diffère de ce qui était initialement prévu par écrit et en accords.
Si vous vous souvenez bien, nous avons jusqu’à présent tenu trois réunions, excepté celle-ci. La première a eu lieu au petit stade en 2012. Nous avons longuement parlé de trois choses qui devraient guider tout ce que nous faisons. On m’a dit que vous avez ajouté une 4ème chose et je pense qu’elle est pertinente. Ces valeurs étaient : le changement, la stabilité et la continuité. Le changement existe, pour une raison et au moment opportun.
Deuxièmement, nous avons parlé de stabilité. Personne n’opère un changement pour causer l’instabilité, au contraire on le fait plutôt pour augmenter la stabilité. Le strict minimum à viser serait de maintenir la stabilité qu’on a, mais on ne peut pas effectuer un changement parce qu’on veut moins de stabilité. C’est un changement qui maintient ou renforce la stabilité actuelle. La troisième chose était la continuité, non d’une personne mais du progrès. On doit continuer le progrès. Nous avons invité tout le monde à prendre le temps d’y penser et à ne pas se précipiter pour y répondre.
Les gens qui veulent faire ce qui est bon et utile pour eux doivent être prudents, ordonnés et réfléchis. Ils doivent regarder vers l’avenir et planifier, afin de ne pas être surpris si quelque chose se passe sans qu’ils n’en sachent l’existence ou les conséquences. C’est la raison pour laquelle on discutait de ces trois choses lors de la réunion de 2012 et après. En ont résulté diverses activités visant à trouver des réponses. Une commission a été mise en place pour examiner les changements nécessaires dans la constitution et nous a fait part des résultats.
Vous m’excuserez, ce débat est bon mais je n’aurai pu m’y joindre que si je n’en étais pas le sujet principal. Cela me pose problème de prendre part à un débat qui m’implique en tant qu’individu et sur différents aspects, mais ce ne serait pas la première fois que je rencontre de tels défis. Nous trouverons une solution.
Je voudrais commencer par le message que vous attendez, veuillez l’accepter tel qu’il est. Aujourd’hui, nous sommes sur le point d’approuver un référendum, n’est-ce pas ? L’approbation dont je parle est celle de savoir si le référendum se fera ou non, et non pas de ce qui en résultera. Mais il y a encore plusieurs questions auxquelles il faut répondre. La première question importante que j’aimerais évoquer…mais vous ne devriez pas vous décourager car c’est grâce à vous – qui vous occupez de plusieurs des problèmes du quotidien – que le pays est ce qu’il est aujourd’hui, et c’est sur vous que reposent toutes ces étapes.
Depuis le début de ce débat beaucoup ont donné leur avis, autant ceux concernés que ceux que ça ne concerne pas. Les non-concernés semblent croire que leurs opinions devraient être source de notre réponse. Pour ma part, ce que j’ai essayé de faire est de tendre l’oreille et je peux vous assurer que mes oreilles fonctionnent très bien.
Je n’ai pas besoin de prothèses auditives. J’entends normalement mais je peux aussi entendre de différentes façons. Parce que, en ce qui me concerne, je devrais être satisfait et sûr que ma décision est basée sur la vérité, telle que je la comprends. Et en ce qui concerne ces autres, qui ont d’autres vérités, laissez-les trouver leurs décisions basées sur leurs propres vérités. Les Rwandais sont les premiers que j’écoute. J’écoute aussi les autres, même ceux qui se mêlent de ce qui ne les regarde pas, mais les Rwandais sont ma priorité.
Ce que vous attendez de moi aujourd’hui sera basé sur les résultats du référendum. Ce qui signifie que ma réponse ne peut être donnée avant le référendum. La raison pour laquelle nous devons passer par ce long processus est que nous devons nous assurer que nos actions sont basées sur des faits réels et non des sentiments. Nous devons être conscients des conséquences de nos actions. Nous devons penser aux options qui nous profiteront le plus.
Pour autant que l’extérieur soit inquiet, le fait que les Rwandais soient sur le point de faire un choix via un référendum, montrant ainsi leur position au sujet de leurs craintes, préoccupations ou souhaits, est davantage perçu comme une révolte. Mais ceux qui désirent ce référendum s’exprimeront de façon toute aussi équitable que ceux qui ne le souhaitent pas.
Ce que vous attendez de moi n’est pas pour aujourd’hui. Sinon, pourquoi serions-nous passés par tout ce processus ? Car si, au final, nous nous retrouvons avec seulement 55%, ce ne sera pas suffisant pour moi. Je ne peux donc pas me prononcer à ce stade-ci, car cela ne serait pas basé sur des faits tangibles. Vous comprenez tous que quelque chose doit être accompli avant que je ne puisse me prononcer. La prochaine étape cruciale est le référendum, qui guidera ma décision. Si seulement ces étrangers pouvaient prendre part au référendum, mais ils se contentent de prendre des décisions qui ne reposent sur aucune base solide.
Ce que nous traversons aujourd’hui en tant que Rwandais, tout ce processus de modification de la Constitution, est intimement lié à notre histoire, mais aussi à la manière normale dont les sociétés sont régies. Il y’a des valeurs universelles telles que la démocratie, les droits de l’Homme et autres libertés. Nous faisons nos choix en fonction de la particularité du Rwanda en tant que pays mais aussi en considérant les réalités du terrain et les spécificités de notre histoire. Et en prenant également en compte les normes internationales;
Nous écoutons aussi les autres lorsque nous prenons nos décisions. Le Rwanda ne vit pas en aparté. Nous vivons avec les autres, et par conséquent, nous les écoutons lorsque nous prenons nos propres décisions. C’est à cet effet que nous leur avons prêté oreille tout au long de ce processus.
Certains ont commencé à nous montrer des exemples de ce qui se passe chez nos voisins, en prédisant que la même chose se passerait chez nous. Ce qui est évident c’est que nous partageons tous les mêmes valeurs en principe, mais que lorsqu’il s’agit de la mise en pratique, nous ne comprenons pas nécessairement les choses de la même manière.
Nous savons tous que beaucoup de pays ont des parlements ou d’autres formes d’institutions représentatives. Ces assemblées sont très respectées car elles représentent la voix du peuple. D’un côté, vous me dites que le peuple devrait être indépendant et décider de sa propre destinée, mais de l’autre côté vous parlez de « manipulation parlementaire ».
Avant tout, que signifie cette expression de « manipulation parlementaire » ?
Quand vous dites que le peuple devrait être indépendant mais que vous décidez à sa place, qu’advient-il de leur libre-arbitre ? Est-ce que ce peuple est devenu le vôtre ? Ou est-ce que les Rwandais ne sont désormais plus considérés comme un peuple ? Pourquoi devrais-je être votre reflet ?
Pourquoi devriez-vous voir un autre pays, en regardant le Rwanda à travers un miroir ? Quel est votre argument ? Le quatrième facteur, dont j’ai mentionné qu’il avait été ajouté par le peuple, en dehors des trois précédents, et ils ont dit que des discussions avaient déjà eu lieu sur le sujet, c’est l’indépendance. Les gens devraient être indépendants. Une indépendance différente de celle que nous célébrons chaque année, lorsque nous chantons habituellement des louanges disant : ils nous ont donné l’indépendance. Pourquoi devrions-nous les remercier de nous avoir donné l’indépendance ? Comment ont-ils fait pour nous la prendre à l’origine ?
Il m’a donné l’indépendance et chaque jour je chante ses louanges, mais comment m’avait-il ôté mon indépendance ? C’est ce que nous ne cessons de répéter : l’estime de soi doit être notre culture de base. L’estime de soi est ce qui devrait être le fondement de notre identité. Que vous fassiez un referendum ou tout autre exercice, le Rwanda, le FPR et la communauté rwandaise dans son ensemble, la première chose que vous devez vous efforcer d’atteindre et sur laquelle nous construirons pour arriver loin, et qui prouvera que tout cela était faux, c’est l’estime de soi.
S’il-vous-plaît, prenez le temps et posez-vous la question, pourquoi vous ? Chacun de nous, pourquoi une autre personne devrait décider de ce que nous méritons ? Pour les croyants, vous êtes-vous déjà posé la question de savoir si Dieu vous avait créé différent de celui-là même qui veut décider à votre place ? >Les croyants, pourquoi n’utilisez-vous pas cela pour résoudre le puzzle ? Les croyants qui sont là aujourd’hui, Pourquoi est-ce que votre foi ne vous guide pas à vous demander comment Dieu vous a créé différemment de cette autre créature qui veut décider à votre place, et que vous l’acceptiez. Pourquoi ? Si vous avez ce Dieu, pourquoi acceptez-vous cela ?
Si la foi est basée sur la vérité, si ce en quoi vous croyez est vrai, j’ai toujours ce problème avec ces gens qui nous mentent et pourtant sont croyants. Laissez-moi utiliser cet exemple, si nous sommes tous des créatures, cela ne s’arrête pas au Rwanda, pensez-vous qu’il y a d’autres créatures supérieures à celles du Rwanda. Si vous pensez de la sorte, vous avez un problème. Si nous sommes tous d’accord que nous sommes des créatures devant le Dieu que nous voulons, devant le Dieu auquel nous croyons, comment pouvons-nous accepter qu’une autre personne se prenne pour Dieu et décide de ce que vous devriez recevoir et créer pour vous-même ?
En fait, Dieu nous a donné l’intelligence, la capacité à penser et à faire ce que nous devons faire. Dès lors, nous devons utiliser tout ce que nous avons. Mais pourquoi devriez-vous venir et m’imposer d’adopter votre culture et ses défauts. Chaque culture à ses défauts, et les défauts de la mienne me suffisent. Je ne peux y ajouter ceux des autres. Je comprends tout cela, et même ceux-là qui désapprouvent le processus dans lequel nous sommes, pour quelle raison, je dirai qu’il est difficile pour moi d’exprimer ce que j’ai à vous dire, alors que je suis part du processus d’une façon qui ne me permet pas d’avoir toute la liberté pour vous dire ce que j’aimerais vous dire. Quand je m’adresse à vous, je m’arrête à 75% et je suis déçu pour les 25% que je ne partages pas avec vous.
Je suis régulièrement ce qui se dit sur les médias sociaux, parfois les gens disent : ce que vous faites n’est pas démocratique ! Kagame devrait laisser la place aux autres, il est là depuis trop longtemps ! Dans ma vie, je ne dois rien à personne, je ne vole personne… et même ces questions de leadership du pays, c’est notre pays… Quiconque qui souhaite me remplacer dans mon identité rwandaise, n’a pas de problème, quiconque qui essayera de me priver de mon identité rwandaise perdra la sienne en premier. Je n’ai demandé à personne d’être rwandais. Je n’en ai privé personne non plus.
Alors, je ne comprends pas comment un étranger peut me dire, nous en avons marre de toi, tu as été là depuis trop longtemps, tu devrais partir et laisser les autres diriger. Cela signifierait que ce qui compte c’est entrer et sortir, et non pas diriger un pays. C’était donc une question de temps et non des réalisations faites pendant ce temps. Et ce sont ceux qui ont échoué à gérer quoique ce soit dans leurs pays natals. Je le lisais dans la presse, même si elle dit « il doit laisser la place » elle ne fait pas partie de ceux qui viendront pour diriger le pays. Car elle n’est pas rwandaise. Elle a échoué à diriger dans le pas de sa nationalité, et maintenant elle parle du Rwanda.
Mais vous, les leaders, cadres et membres de notre famille du FPR, je veux vous remercier pour tout ce que nous avons réalisé ensemble, pour vos sacrifices et votre engagement à bâtir le futur. Après le référendum, nous penserons à d’autres choses, et non seulement au référendum ou à qui dirigera après 2017.
Non, chacun devrait contribuer et nous devons réfléchir à un plan au sujet de ce que nous voulons atteindre. Que ce soit un plan à court, moyen ou long-terme. Nous ne devrions pas nous lever et prendre des décisions sur différents sujets, tels que de continuer à nous demander qui va diriger ? Va-t-il partir ou rester ? Non, nous devons planifier. Chaque pays doit planifier. Planifier comment ces processus politiques pourront apporter des changements et que les choses puissent continuer de la sorte, n’est-ce pas ?
Oui un plan est nécessaire. Il peut être appelé « plan de transition » ou…vous pouvez dire les choses vont continuer dans vingt ans, trente ans et qu’alors nous dormirons. Cela ne doit pas arriver. Cela ne mène nulle-part. Nous devons penser au-delà de cela, au-delà des émotions afin d’atteindre des choses tangibles. C’est ce que le FPR devrait faire. Et c’est ce que nous faisons habituellement. Nous avons résout des questions importantes. Maintenant nous voulons le développement, nous voulons la paix. A travers ces processus politiques nous voulons faire un bon pas en avant, qui nous poussera à atteindre encore d’autres choses et d’autres personnes dans une manière pacifique, sans aucun mal. Si chacun contribue, si chacun accomplit sa mission en prenant en compte la dignité, il n y a aucune limite à ce que nous pouvons réaliser.
Même la stabilité, le transfert de pouvoir qui fait tant parler les gens…oui, le transfert de pouvoir serait possible, et il est possible dans notre pays. Mais il doit se faire dans la paix et alors les personnes continueront leurs affaires. Il y a un débat qui a montré plusieurs opinions au sujet du transfert de pouvoirs. Le transfert pacifique de pouvoir, est très important, vraiment très important, mais est-ce quelque chose qui tient tout seul ?
Est-ce un début ou une fin en soi? Non. Je pense, que pour toucher ce point, il y’a beaucoup de choses que nous devons avoir. Je suis les débats, je lis ces choses et je suis toujours tenté de participer au débat. Car, jusqu’à un certain point, les gens déforment la réalité. Ils vont te dire que le transfert pacifique du pouvoir est plus important que des notions telles que l’identité nationale, par exemple.
Connaissez-vous tous notre programme national Ndi Umunyarwanda? Ndi Umunyarwanda est un programme identitaire. Mais est-ce que justement forger ce genre d’identité – nous identifier nous-mêmes en tant que Rwandais – n’est-il pas un processus très important qui contribue à ce transfert pacifique de pouvoirs ? N’est-ce pas le cas ? Car la passation pacifique de pouvoirs dépend de la stabilité que vous aurez créée. Et cette stabilité dépend de sa fondation : notre capacité à identifier et à comprendre qui nous sommes.
Il est vrai, certains diront, vous voyez, le transfert pacifique de pouvoirs est très important, voire encore plus important dans des sociétés minées par la pauvreté comme l’est la nôtre. Eh bien, je suis partiellement d’accord, mais vous êtes sélectifs. Les personnes qui argumentent de la sorte sont sélectives car elles ne prennent pas en considération le problème dans son entièreté.
Ma question est, premièrement: Nous occupons-nous de cette situation ou – pouvons-nous faire deux ou trois choses en même temps étant donné la façon dont elles sont liées. Sinon, je vous demanderais pourquoi vous affirmez que même le pauvre peut vivre une belle vie, en paix, du moment qu’il y a cette passation de pouvoir. Non, pour commencer, personne ne mérite de vivre dans la pauvreté, qu’il y ait transfert de pouvoirs pacifique ou non. Mon argument est celui-ci: les Rwandais ne méritent pas de vivre dans la pauvreté, avant toute chose.
Deuxièmement, je ferai aussi remarquer que certains endroits vivent depuis des décennies des transferts de pouvoirs sereins, mais ont adopté la pauvreté comme mode de vie. Et même certains pays riches, la plupart de ceux que nous connaissons, qui ont des passations de pouvoirs paisibles, sont démocratiques, mais en sont venus à vivre avec des millions de leurs citoyens qui vivent dans une pauvreté abjecte.
Alors pourquoi exclure ces derniers? Est-ce parce que vous supposez que les nombreuses personnes qui sont riches lors d’un transfert de pouvoir, le sont au nom des millions d’autres ? L’exclusion de ces personnes justifie-t-elle tout le reste à ce sujet ? Maintenant – et cette question aurait pu être la première – la priorité est-elle le transfert pacifique de pouvoir ou la résolution de ces problèmes de transformation socio-économique ou encore est-ce mieux de le faire tel un processus commun, de sorte qu’à un certain point vous réalisez les deux – et non seulement un au détriment de l’autre ?
Alors, est-ce vraiment la situation de la poule et de l’œuf ? Qui vient en premier ? Eh bien, cela dépend de la façon de voir les choses. Je pense que l’un guide l’autre, et qu’ils tendent à se réaliser en même temps, quand bien même l’un serait en tête. Mais si vous ne bâtissez pas la stabilité, je me demande comment le reste peut suivre. Et cette stabilité demande une dose de chacune de ces choses-là.
Donc nous en tant que Rwandais… Vous savez ces derniers temps si vous avez suivi les medias sociaux, les gens ont dit énormément de choses. Certaines personnes ont écrit avoir suivi les « manœuvres » rwandaises. J’ai ressenti le besoin de réagir. J’ai dit à cette personne que ce qu’elle disait, précisément, s’ajoutait aux raisons qui contribuent à cette volonté qu’ont les Rwandais, de vouloir décider de la manière de résoudre la complexité de la politique rwandaise, entre Rwandais.
Est-ce que vous voyez ce que je veux dire? Je luttais entre l’envie de rester calme, comme d’habitude, et celle de me mettre en colère face à une personne insultante. Ce que je trouve difficile à supporter. Cela aurait été plus facile s’il me l’avait dit en face car j’aurai pu lui dire ce que j’en pense. Echanger par écrit ne permet pas de transmettre le message tel qu’on le désire. Mais ce que je leur ai dit est que, excepté en ce qui concerne cette situation particulière, lorsque l’on traite les gens de cette manière, on obtient le résultat inverse à celui que l’on attendait. Si vous espérez obtenir quelque chose de ma part en me regardant de haut, vous pouvez être assuré à 100% que vous ne l’obtiendrez pas. Vous pouvez être sûr que vous obtiendrez l’inverse de ma part. Regarder les gens de haut n’est pas bon. Et personne ne devrait le tolérer. Et les Rwandais, avec leur dignité, vous le savez, ne peuvent l’accepter.
Nous pouvons être de bons amis. Nous pouvons débattre, nous pouvons ne pas être d’accord, dans d’autres cas être d’accord, mais il y’a une ligne à ne pas franchir lorsqu’il s’agit de nos intérêts; des intérêts du Rwanda. Je vois souvent des personnes effrayées, disant qu’elles vont mourir, qu’elles vont être tuées à l’étranger. En ce moment, une telle personne ne mérite pas d’être rwandaise.
Car, en fait vous êtes pire à chaque fois que vous avez l’intention de faire quelque chose, non pas parce que vous en ressentez le besoin ou parce que c’est dans votre intérêt, mais parce que vous craignez ce que les autres personnes vont penser de vous quand vous le ferez. Car vous souffrirez toujours des conséquences. Cela ne fait aucun doute.
La première chose dont les Rwandais et les Africains ont besoin est l’appropriation. Nous devons être propriétaires du cours de notre vie. Et posséder, ne signifie pas que vous ne considérerez pas les suggestions ou les conseils des autres. Non. Y compris les partenariats. Mais qu’un Rwandais ou qu’un Africain demeure cette personne qui se contente d’avaler tout ce qui lui est jeté, est un mode de vie très dangereux. Nous avons vécu cette vie-là avant, nous la connaissons, nous en connaissons les conséquences. Je ne peux comprendre pourquoi des gens n’auraient pas envie d’en finir avec ça et de l’oublier.
Mais en même temps, l’appropriation va de pair avec la responsabilité. Un sérieux défi de responsabilité. Si vous êtes corrompu, s’il y a une mauvaise gouvernance dans votre pays ou tout autre endroit où vous représentez une société. Si il y’a toute sortes de mauvaises pratiques, vous ne pourrez pas argumenter en disant : « Laissez-moi, c’est mon pays » ou «je dois assumer ». S’approprier la corruption par exemple, qu’est-ce que cela signifie ? Comment se l’approprier? Dans une situation de corruption, vous serez amenés à cette question. Comment allez-vous l’expliquer? L’appropriation exige la responsabilité. Cela nous demande de faire ce qu’il faut. Nous devons nous efforcer de faire ce qu’il faut.
L’appropriation nous oblige à être responsables et à se tenir mutuellement responsables. Cela nous demande de permettre à quiconque de questionner ce que nous faisons. Vous devez être en mesure d’expliquer. Quand les gens meurent dans votre pays, vous ne pouvez pas dire: « Arrêtez de me parler, laissez-moi tranquille, je tue mon peuple. » Quand des personnes ne peuvent cesser ces pratiques ou les empêcher, les autres les en tiennent pour responsables, et devraient même prendre des mesures à leur encontre.
Vous ne pouvez pas leur dire de vous laisser tranquille car c’est votre pays et que vous avez donc le droit d’y faire ce que vous voulez. Il s’agit de corruption, vous ne pouvez continuer à argumenter que c’est dans votre pays et qu’on doit vous laisser tranquille. Pourquoi devraient-ils vous laisser tranquille alors qu’il s’agit de corruption ? Dans votre pays, la corruption ne devrait pas être un mode de vie, elle n’est pas bonne pour vous ou pour n’importe qui d’autre.
Tout cela nous ramène à l’idée selon laquelle, quand vous luttez contre la corruption, vous ne devriez pas donner l’impression de lutter contre elle juste parce que quelqu’un vous a demandé de le faire. Non. Vous devriez le faire car c’est la bonne chose à faire, car c’est bon pour vous. Maintenant, au sujet du référendum, attendons d’abord les résultats et nous discuterons du reste plus tard.
Pendant ce processus, peu importe le résultat, nous devrions être prêts à prendre la totale responsabilité de nous-même. En outre, nous devrions être capables de nous tenir responsables de ce qui se passera alors que nous allons de l’avant, vers l’ avenir que nous voulons, vers l’avenir que nous méritons et auquel nous participons tous afin de s’assurer qu’il sera bon pour tout le monde. Vers l’avenir qui ne devrait pas dépendre d’une seule personne. Un avenir qui devrait dépendre de nous tous, que Kagame soit là ou pas. Certes, il y a cette culture doit encore se développer, et qui s’est déjà développée jusqu’à un certain point mais nous devons atteindre ce niveau auquel même si les choses changent , alors nous ne devrons plus nous inquiéter même après dix, vingt ou trente ans. Nous devons aussi changer cela le plus vite possible. Bien entendu, il est vrai que le Rwanda n’est pas le seul à traverser ce processus. Tous les autres également, y compris ceux qui parlent de nous en nous regardant de haut, cela leur est arrivé aussi. Je parle personnellement à certains d’entre eux, et leur dit : parlons un peu de votre histoire, il y’a quelques années, que s’est-il passé ? Pourquoi cela s’est-il passé comme ça ? Et là, ils répondent : « Eh bien, vous savez, … » Pas un seul ne peut admettre les difficultés que vous traversez, les choix difficiles que vous avez eu à faire et que vous faites encore, comme si ces choses ne leur étaient pas arrivées.
Pas un seul pays, pas un seul. Est-ce que quelqu’un ici peut m’en citer un ? Vous êtes libres. Dites-moi lequel? Est-ce que quelqu’un peut m’en citer un ? C’est une question de temps. Cette situation où les gens parlent de transfert de ceci ou de cela doit arriver, c’est une question de contexte et de temps, n’est-ce pas ? Maintenant, ceux qui ont des centaines d’années d’histoire derrière eux et qui ont aujourd’hui, la stabilité, les libertés, la démocratie, nous voulons les imiter car ils ont tout. Premièrement, ils vivent toujours avec des échecs similaires aux nôtres. Deuxièmement, si vous creusez un peu, ils ont traversé des situations bien pires que celles que nous traversons actuellement. Il s’agit de dire: « Vous vous rappelez ces années, les années 30, 40 ou 50 ? Vous rappelez-vous ce qui vous est arrivé dans les années 60 ? Et là ils répondent : Eh, de quels droits vous vous permettez ? Avec le Rwanda, cela dit, nous comptons à partir de 1995. C’est de là que nous partons, n’est-ce pas ? Avant cela, qu’y avait-il ?
Après seulement vingt ans sur la route, nous sommes sommés d’être au même niveau que ceux qui ont lutté avec ces questions pendant cent ou deux cents ans, ou même cinquante ans. Et là ils vous interrogent au sujet de cette question d’un individu… Oui, j’ai été en mesure de leur montrer des individus sur lesquels ils ont compté dans leur histoire. Vous savez, chacun de ces pays ont un individu auquel ils font référence. L’ensemble de ce mythe de … vous savez, vous ne devriez pas créer un individu… et je leur dis, oui, je suis d’accord, on ne devrait pas compter uniquement sur un individu. Mais je leur demande alors, en fait, que s’est-il passé pour vous lorsque vous comptiez sur un individu ? Que s’est-il passé? Chacun d’entre eux a une histoire au cours de laquelle un individu a dessiné la société. Nous connaissons l’histoire, nous l’avons lue. Dès lors, nous pouvons débattre et dire, à ce moment-là, qu’avez-vous fait pour créer une société normale avec une bonne gouvernance basée sur les principes démocratiques ? Nous pouvons alors regarder en arrière, je peux avoir une discussion avec vous et dire, c’est ce que le Rwanda est en train d’essayer de faire. Nous ne créons pas les choses ou les gens, nous ne sommes pas Dieu, mais nous avons fait ce qui est humainement possible. Et je suis en mesure de répondre de cela.
Vous pouvez me dire, mais pourquoi n’avez-vous pas encore réalisé ceci ou cela? Et cela peut être une question légitime mais je pourrais vous expliquer les raisons pour lesquelles ces choses n’ont pas été réalisées. Par exemple, parmi les questions qu’ils posent, il y a : « Pourquoi ne possédez-vous pas encore ceci ou cela ? » Vous savez, les gens qui devraient vraiment pouvoir apporter des choses dans un environnement aussi stable que normal… et oui, c’est vrai, mais ce n’est pas de ma faute, je ne crée pas les gens, on fait ce qui est humainement possible, on crée un environnement, on lutte avec tout le monde, chacun contribue et ce que vous obtenez, c’est ce que vous avez devant vous. Mais en même temps, par exemple, ils ne me demandent pas pourquoi notre pays n’est pas aussi riche que le leur ? Parce que, je suis justement en train de lutter pour devenir aussi riche qu’eux. Mais là encore, à cause de la réalité et parce que ce n’est pas leur problème, ils ne poseront pas cette question car ils diront que tout est progressif. Le taux de pauvreté que nous avions il y a vingt ans, est-il le même aujourd’hui ? Est-ce que vous pensez que le fait de ne pas arriver à leur niveau est dû au fait que nous ne voulions pas y parvenir? Non, c’est simplement parce que cela demande du temps. Quand on veut atteindre un certain niveau, on n’y parvient pas en une seule nuit. Il y a un processus, il y a un chemin à parcourir. Et il y a ce qu’il faut faire pour y parvenir. Si cela était possible pour nous d’atteindre leur niveau en toutes choses, nous l’aurions déjà fait car c’est ce à quoi nous aspirons. Il doit y avoir certaines forces cachées derrière cela. Me demander pourquoi je n’ai pas encore atteint votre niveau de démocratie, et non pourquoi je ne suis pas autant riche que vous est sélectif. Pourquoi est-ce qu’un pays comme le Rwanda n’est pas aussi riche que le nôtre ? Ils préfèrent continuer à nous nourrir, nous maintenir dans l’état dans lequel nous sommes afin de continuer à nous nourrir. Ils préfèrent aussi nous maintenir sous pression afin de pouvoir continuer à nous demander pourquoi nous ne sommes pas au même niveau de démocratie qu’eux, et nous asséner toutes ces autres critiques mensongères.
Mais le fait de comprendre tout cela joue un grand rôle dans la façon dont nous gérons nos situations, celle dont nous gérons nos problèmes et celle dont nous gérons les pressions intérieures et extérieures auxquelles nous faisons face. Je pense que nous sommes dans un processus, qui, indépendamment du résultat du référendum, doit nous pousser à rester sur la bonne voie et sur la base de ces principes, plutôt que sur les craintes de certaines personnes. Même si ces craintes étaient fondées, nous devrions être capables d’intégrer le fait que les gens ne sont pas motivés par la crainte lorsqu’il s’agit de prendre d’importantes décisions, mais doivent plutôt s’efforcer à développer une situation dans laquelle nous pouvons nous confronter à ces peurs afin de demeurer dans la stabilité et continuer à progresser.
Que voulez-vous que je vous dise de plus ? Sachez seulement que tant que Dieu prendra soin de nous, vous pouvez compter sur nous pour continuer à nous battre pour la bonne cause.
Laissez-moi conclure en disant: être prêt à se battre pour la bonne cause, pour certains d’entre nous, cela ne dépend pas du fait d’être en fonction ou pas. Ce combat pour la bonne cause peut prendre plusieurs formes. Et si vous en doutez, vous pouvez essayer. Je pense avoir évoqué tous les points que je voulais souligner mais si certaines clarifications s’avèrent nécessaires, il y’aura toujours des occasions ou quiconque voudra me poser une question pourra en avoir l’opportunité. La parole est à vous.